De  Port en  Aéroport, itinéraire de René Montini

Par Marc LAFOND – Décembre 2015

 

En relisant les mémoires de mon ami Francis Delafosse et son témoignage d’une époque

révolue, sur le site « hélicofascination »  je me suis particulièrement intéressé à son article
concernant le stage de survie-mer effectué au Groupement Hélicoptère Protection Civile.

Il me vient alors l’idée, de rendre hommage à notre compagnon René ,responsable de ce
stage, de l’encadrement ,de l’essor et de la qualité de ce dernier .Son rayonnement fut
longtemps une référence, dans le milieu maritime de France et le public toujours au rendez
vous dans le port de Nice où les commentaires allaient bon train lors des exercices .

Originaire de Nice, René enfant rode beaucoup sur le port, les bateaux, les marins, la mer
l’horizon, la plongée, alimentent son imaginaire, il sait déjà où il veut aller « je serais Marin dit-il.
Sa famille réticente au départ, cède devant la motivation tenace .En 1952 à 18 ans et quelques jours René signe son contrat dans la « Royale » enfin son rêve se réalise. Une formation classique débute pour lui, Hourtin, Rochefort (Ecole des Mécaniciens d’Aéronautique) à la suite de quoi :
Une première affectation en flottille Hydravion et un premier embarquement sur Porte Avion.

Il  se fait alors remarquer par son sang froid et ses aptitudes en natation, la marine a besoin de plongeurs ! Ce sera donc le centre de formation de ST Mandrier où il devient nageur de combat et se retrouve à nouveau sur Porte Avion sans espoir de venir sur Hélico !!

Mais la destinée veille, sur proposition cette fois-ci, au vu de son cursus on le dirige sur un stage de Chef de pont d’envol qui le destinera aux responsabilités multiples de pointe, dont la sécurité totale sur un aéroport flottant avec quelques 3O aéronefs et 2000 personnes embarquées faces aux risques majeurs d’incendies et aussi à bord des Hup 2 Piasecki (bi rotors)indicatif ‘Pédro’ à surveiller les équipages en cas de crash mer lors du décollage et appontage P A .

2 décembre1959, jour sombre de l’histoire qui fit environ 430 disparus et des dégâts considérables. Le barrage de Malpasset cède sous la poussée des eaux .Le Lafayette,au port de Toulon, reçoit l’ordre de faire route sur la rade de ST Raphael-Fréjus  pour porter aide et assistance, le sort futur de René va se jouer là :

Dans sa nouvelle fonction, il voit tout, sait tout et doit faire face à tout, la charge est donc lourde et des plus contraignantes, pour sa famille, peu de temps disponible, il commence donc à rêver d’autres choses ; la rencontre avec le Lt Fromweller, Chef du détachement Protection Civile Hélico va lui permettre de concrétiser ses désirs.

La rupture du Barrage a nécessité l’envoi immédiat d’une assistance aérienne du  GH récemment créé, mais l’accueil à la B A N de Fréjus  est impossible, en cause sa submersion totale sous les sédiments. L’avitaillement est donc assuré par Le Lafayette et la petite noria composée de 2 Bell et 1 Al II apponte régulièrement le  P A. Au cour d’une de ses haltes techniques le Lt Fromweller suggère à René d’intégrer le GH par l’une des «  passerelles possibles » (Pompier de Paris, BSPP, la PP, Police  Parisienne ou les CRS). Pour notre ami ce sera le stage CRS à Sens et une première affectation au GH en 1961.

En 1962 c’est l’ouverture de la Base Protection Civile sur l’Aéroport de Nice.Pour René c’est le « nœud gordien », il est à nouveau chez lui, à force de bataille, dans ce qu’il a toujours rêvé d’être en tranchant dans le vif.
Avec Graviou, Maret et le Capitaine Verdier comme Patron il sont chargé de mettre en œuvre une Alouette II toute neuve équipée d’une échelle de corde pour secourir les gens (inconcevable de nos jours).
Dès lors il n’aura de cesse, avec le soutien de son Chef et de ses compagnons de route fidèles parmi lesquels le Capitaine des Pompiers Arlot,ses adjoints Toumagnan,Dépo, le Père Paul  de mettre ses compétences au service de tous et nul autre que lui en toute discrétion ne pouvait remplir ce chalenge en partant de rien.Voici donc l’histoire :
La Marine, les gens de mer plaisanciers ou professionnels ont toujours eu la hantise
des disparitions par crash et naufrage, le GH dès ses premières bases  mer ne fait pas exception.
Aussi les premiers stages de survie et accoutumance en milieu hostile sont mis en place afin de limiter le facteur émotif, les hypothermies, hydrocutions et noyades. Toutes les ficelles sont enseignées pour garder le moral, savoir s’alimenter, boire, se repérer, se signaler, accéder aux canots de survie (ce qui n’est pas du tout évident, d’autan plus, en cas de blessures et trauma important).

René dispose de tout ce savoir à transmettre, mais n’a en tout et pour tout qu’un vieux siège d’hélico sur lequel sont sanglés les participants qui sont ensuite balancés à la flotte (sans autres formes de procès) Les réactions sont vives parfois ! René est très à l’écoute et décide donc avec l’aide  de la base de Marignane de contacter l’Aérospatiale pour récupérer si possible une cabine déclassée afin de permettre une simulation d’immersion réelle. Contre toute attente il obtient satisfaction et récupère cette dernière (pour l’anecdote beaucoup ignorait que cette cabine  avait fait partie d’un aéronef abattu au Liban).

Avec toujours dans l’idée d’avancer  avec son réseau de compagnons Pompiers à la caserne
Magnan c’est une cabine entièrement fabriquée par l’un deux qu’apparait le simulateur Canadair.
Ce sera ensuite sur le puits de 12 mètres de profondeur par un diamètre de 3, un dispositif de siège guidé sur rail avec un frein qui nous permet une simulation de crash parfait  d’hélico( pour l’anecdote je me souviens que certain d’entre nous lors de l’immersion, paniqués par le système et dont les cheveux sortaient encore de l’eau avaient déjà bloqué le frein, sous prétexte de barotraumatisme). (L O L).
La piscine Jean Médecin et son puits de ‘l’angoisse’ restera en mémoire, la première nous
familiarisait avec l’élément et le puits nous permettait de dépasser nos peurs.
Le port et la gloutte c’était le spectacle… Francis a largement abordé le sujet.
Nous étions hébergés au Grand Séminaire, où nous prenions des cours avec le Docteur sur tous les différents problèmes physiques causés par la pression, les risques encourus ,passage au caisson hyperbare etc. et pendant ce temps les combinaisons néoprènes séchaient au soleil ,lorsque ce dernier était absent il fallait se faire violence pour renfiler cette peau protectrice ,moment fort d’une carrière bien remplie, merci René .

L’après midi c’était entrainement au large en tenue de vol, maywest, masque et tuba, fluorescéine pour les plus aguerris et pour les autres avec le père Paul c’était initiation nage,  endurance et essai de la position canard en plongée, qu’elle patience le  St Homme.

J’ai grâce à ce métier survolé une partie de l’Afrique du Nord y compris le Sahara ,le territoire Français ,ses iles et archipels, vu les plus beaux sites ,à marée basse un régal de l’atlantique à la méditerranée y compris l’ile de beauté, par beau temps un confort et plaisir de milliardaire quelques frayeurs aussi par mauvais temps ( collisions évitées avec les crusaders à Landivisiau et planeurs en montagne ) mais les pires angoisses étaient et resteront le survol maritime ,au cours desquelles nous voyons en raz de Sein, des creux de 5 à 6 mètres et les hélices des bateaux  des  ligneurs de bars, tournant dans le vide, telles girouettes au vent, le tout au milieu des récifs de hauts fonds ( quel cran les bonhommes )

Les vols de nuit n’arrangeaient rien, à une époque où nos moyens de navigations étaient ,le cap et la montre, pas de transpondeurs ni moyens sophistiqués, les brumes maritimes les ciels plombés ne facilitaient guère notre tache, sans sondes altimétriques, il fallait beaucoup d’expérience .Nous nous accrochions fort à notre bonne étoile ? dans une eau à 6 ° la survie ne va pas au delà d’une quinzaine  de minutes en cas de crash.

J’ai souvent pesté contre la pugnacité, la dureté au mal des Iliens qui les incitaient à attendre  le dernier moment pour demander aide et évacuation sur CHU(de préférence la nuit)il fallait quelquefois pour cause de météo et visibilité nulle, 2 voir 3 jours pour rentrer de Nantes par la cote et remonter l’estuaire de l’Odet pour rejoindre Quimper( femme enceinte, accouchant parfois de façon partielle dans l’hélico ,tétanos ou embolie gazeuse, accident ou bagarre après beuverie ,tel était souvent notre lot)
Pour nous rassurer nous étions équipés d’une flottabilité sensée nous maintenir en surface (par mer calme) que nous montions ou démontions au gré des missions pour alléger la machine au bénéfice de la charge alaire disponible (une vingtaine de minutes était nécessaire, mais la structure, elle, était soumise à rude épreuve) et surtout les CROSA et CROSMED veillaient sur nous même si ne nous nous aventurions guère au delà des 5 nautiques, plus avant restait du domaine des multi turbines de l’aéronavale.

Grace aux stages, j’ai amélioré ma condition physique, mon système respiratoire, affronté la mer houleuse, quelques bonnes tasses et surtout résisté a cet horrible puits (pas si profond finalement !)la confiance devenait une seconde nature, permettant d’accomplir notre mission dans la sérénité, René a œuvré jusqu’à sa retraite, puis en1992 le puits de la piscine de Magnan à Nice devant être remis aux normes et un cout soit disant exorbitant des stages, ont nécessité le Transfer de ces derniers à Vannes(Morbihan) sous la houlette des pompiers locaux .Mr Pierre Leclerc a assuré la responsabilité pendant 1 an en passant le relais à Mr Christian Dausque.

Témoignage au non de la référence, pour la ‘relève’, en souvenir du dévouement, de la
transmission du savoir des compétences, esprit pionnier de bâtisseur de Mr MONTINI pendant ces 30 années.

Honneur, engagement, disponibilité furent ta ligne de vie, merci René.